Rôles de genre au Japon : fonction et évolution des sexes dans la société
Au Japon, l’écart salarial entre hommes et femmes s’élève à plus de 20 %, l’un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE. Malgré l’égalité inscrite dans la Constitution depuis 1947, le taux de femmes occupant des postes à responsabilité reste inférieur à 15 %.
Les lois sur l’égalité des chances au travail peinent à produire des effets mesurables, tandis que les normes sociales continuent de dicter la répartition des tâches domestiques et parentales. Les mouvements féministes, longtemps marginaux, suscitent désormais un débat public sur la redéfinition des rôles attribués à chaque sexe.
Plan de l'article
Rôles de genre au Japon : entre héritage culturel et réalités contemporaines
La fonction et évolution des sexes dans la société japonaise se lit à travers une histoire marquée par le confucianisme et des siècles de hiérarchie sociale. Après 1945, la réforme du droit familial puis l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail ont chamboulé les repères. Pourtant, la division sexuée des rôles s’accroche, que ce soit à la maison ou au bureau.
À Tokyo, le modèle du salaryman reste une référence : l’homme, pilier de l’entreprise, incarne le sérieux et la loyauté. Les femmes, elles, continuent d’être associées à la gestion du foyer et à l’éducation des enfants, une réalité encore plus visible dans certaines régions comme Fukuoka, où la tradition pèse lourd. Pour Christine Lévy, observatrice avertie de la société japonaise, la répartition des rôles ne disparaît pas, elle s’ajuste aux contraintes économiques du moment. Les attentes sociales, jusque dans la langue, assignent à chacun sa place, valorisant la discrétion, la hiérarchie et le respect des codes.
Voici les principaux ressorts qui maintiennent ces rôles :
- Rôles de genre au Japon : transmission familiale, influence du confucianisme, pression du groupe.
- Travail au Japon : accès limité des femmes aux postes à responsabilité, même si leur participation augmente.
- Égalité des sexes : progrès législatifs, mais résistances culturelles et structures persistantes.
Philippe Mesmer, journaliste à Tokyo, souligne que la société japonaise avance par petits pas, rarement dans la rupture. Le modèle familial classique cohabite désormais avec des aspirations nouvelles, portées par une jeunesse des villes qui réclame autonomie et équité. Les études récentes mettent en lumière un écart net entre le discours officiel et le quotidien, preuve que la mutation des mentalités reste un processus complexe, loin d’être linéaire.
Quelles inégalités pour les femmes japonaises aujourd’hui ?
La situation des femmes japonaises au travail reste marquée par des déséquilibres tenaces. Depuis les années 1980, leur taux de participation sur le marché de l’emploi ne cesse d’augmenter, mais derrière cette progression, une réalité s’impose : près d’une femme sur deux quitte son poste après la naissance du premier enfant. Ce phénomène, désigné sous le terme « mummy track », illustre la difficulté de concilier vie professionnelle et responsabilités familiales, une charge encore très inégalement partagée.
Les chiffres sont sans appel : la présence de femmes à des postes de direction reste faible, avec moins de 15 % de cadres féminins selon les données officielles. La précarité de l’emploi touche particulièrement les femmes, qui se retrouvent majoritairement avec des contrats à temps partiel ou précaires, surtout dans le commerce, la santé ou l’aide à la personne. Malgré la pression démographique, les incitations des autorités peinent à faire bouger les lignes : la société japonaise s’adapte lentement.
Quelques repères chiffrés permettent de mesurer l’ampleur de ces écarts :
- L’écart de rémunération moyen entre hommes et femmes approche les 24 %.
- Près de 48 % des femmes quittent leur emploi après une maternité.
- La présence de femmes dans les conseils d’administration plafonne sous la barre des 10 %.
La division sexuée du travail ne s’arrête pas au seuil des entreprises : elle se poursuit à la maison. Répartition inégale des tâches domestiques, charge mentale, stéréotypes véhiculés dès l’enfance, autant de freins qui maintiennent les femmes sous un plafond de verre tenace, quel que soit le secteur d’activité.
Initiatives féministes et dynamiques de changement dans la société japonaise
On assiste aujourd’hui à une nouvelle effervescence autour de la participation des femmes dans la société japonaise. Depuis une dizaine d’années, des réseaux associatifs et des collectifs féministes se mobilisent pour rendre visibles les inégalités et accompagner concrètement les femmes, autant sur le plan professionnel que dans la lutte contre le harcèlement. À Tokyo comme à Fukuoka, des campagnes citoyennes émergent et secouent les vieux schémas.
Sous l’impulsion de la société civile, le gouvernement dirigé par le parti libéral-démocrate a mis en place plusieurs dispositifs pour soutenir la promotion des femmes dans l’emploi : loi sur l’égalité des chances, quotas incitatifs, mesures pour encourager le partage des responsabilités parentales. Mais l’application de ces mesures varie fortement selon les lieux et les entreprises. Malgré de réelles avancées, le fossé subsiste. Pourtant, la présence de femmes à des postes de responsabilité progresse doucement, notamment dans la fonction publique et les secteurs d’innovation.
Voici quelques initiatives qui ont marqué les esprits ces dernières années :
- Le collectif KuToo, lancé sur les réseaux sociaux, a mis en lumière l’obligation faite aux femmes de porter des talons hauts au travail et initié un débat national.
- Des plateformes de soutien à l’entrepreneuriat féminin se multiplient dans les grandes villes.
- Des groupes tels que Women’s Action Network militent pour une représentation accrue des femmes en politique et la lutte contre les violences sexistes.
La mobilisation féministe s’appuie aussi sur la force des autrices, artistes et chercheuses qui bousculent le débat public et interpellent les décideurs. Si ce mouvement reste minoritaire dans le pays, il témoigne d’une mutation profonde : la société japonaise ouvre désormais un espace inédit pour repenser la place de chacun. Les lignes ne bougent pas d’un seul coup, mais on ne peut ignorer que quelque chose a changé dans l’air.
