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La couleur préférée des princesses et son influence sur la mode enfantine

En 1918, un guide américain de la mode indiquait que le rose convenait mieux aux garçons, car il était « une couleur plus décidée et forte », tandis que le bleu, « plus délicat et gracieux », était réservé aux filles. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée au point de façonner durablement la mode enfantine et les préférences affichées dès le plus jeune âge.

Les catalogues, rayons de jouets et vêtements illustrent la persistance de ces codes. Les choix de couleur ne se limitent plus au goût individuel : ils participent à la construction de l’identité de genre, parfois au détriment de la créativité et de l’autonomie des enfants.

Pourquoi le rose s’impose-t-il comme la couleur des princesses ?

L’association entre le rose et l’image de la princesse n’a rien d’immuable. Il y a quelques siècles, le bleu incarnait la noblesse et la pureté, notamment à travers la figure de la Vierge Marie. Ce n’est qu’au tournant du XXe siècle que la société occidentale a inversé le code couleur : le rose, jugé plus affirmé, s’éloigne des garçons pour s’attacher à la féminité. Cette mutation ne doit rien au hasard, mais bien à une stratégie commerciale habile, qui découpe le marché selon le genre.

Le cinéma d’animation, et plus particulièrement les studios Disney, ont solidifié ce lien. Dès 1959, la robe rose d’Aurore dans « La Belle au bois dormant » installe un nouveau standard visuel. L’imaginaire collectif s’alimente de ces princesses, où le rose symbolise douceur, délicatesse, vulnérabilité, autant de qualités longtemps associées à l’idéal féminin. Cendrillon, puis Belle, Ariel ou Raiponce : toutes arborent, d’une façon ou d’une autre, cette palette dite « féminine ».

Pour mieux comprendre cette emprise, il suffit d’observer quelques éléments clés :

  • Stéréotypes : le rose s’étale partout, des vêtements aux accessoires, dessinant une frontière nette entre filles et garçons.
  • Influence sociale : la pression du groupe et la force du marketing accélèrent la fusion entre l’idée de princesse et celle de la couleur rose.
  • France : une étude de 2018 indique que 75 % des vêtements pour filles présentent une dominante rose.

Cette répartition des couleurs entre les genres ne relève en rien d’une quelconque fatalité. Au contraire, elle découle d’une construction sociale soigneusement nourrie par les médias et l’industrie du jouet. Les héroïnes Disney, bien loin d’être de simples figures de conte, participent à l’apprentissage précoce des codes de genre. Dès lors, choisir une couleur ne relève plus seulement du goût, mais devient un acte chargé de sens, qui façonne la perception de soi.

Stéréotypes de genre : quels impacts sur le développement et la créativité des enfants ?

La différenciation des genres s’invite très tôt dans la vie des enfants. Dès la maternelle, la couleur des vêtements, le choix des jouets, l’univers des dessins animés installent un barrage : le rose ici, le bleu là-bas. Impossible d’y échapper, les princesses en robes pastel envahissent l’imaginaire et dictent les modèles à suivre.

Cette partition entraîne des effets concrets sur le développement et la créativité. Les filles évoluent dans un univers valorisant douceur, discrétion, empathie, tandis que les garçons sont poussés vers l’audace et la compétition. Selon une étude de l’INSEE, 68 % des enfants attribuent spontanément certaines activités à un sexe dès la petite enfance. Cette logique influence le choix des activités extrascolaires, les rêves d’avenir, la confiance en soi.

Voici comment ces stéréotypes impactent le quotidien des enfants :

  • La créativité se retrouve bridée faute de diversité dans les modèles proposés.
  • Les dessins animés réitèrent sans relâche des scénarios où la princesse attend et où le prince agit.
  • Les jeux d’imitation ne font que reproduire ces schémas, limitant la capacité à inventer de nouveaux rôles.

Cette exposition précoce aux normes façonne durablement la vision qu’ont les enfants d’eux-mêmes et des autres. Elle restreint leur liberté d’explorer, d’imaginer des alternatives. Les chercheurs le soulignent : la rigidité des frontières de genre n’est pas un phénomène éphémère. Elle s’infiltre dans l’adolescence, puis jusque dans la vie adulte, freinant la dynamique vers plus d’égalité.

Des pistes concrètes pour encourager une mode enfantine plus inclusive

Progressivement, la mode enfantine s’ouvre à d’autres horizons. Certaines marques françaises proposent désormais des collections neutres : coupes épurées, larges palettes de couleurs, motifs affranchis des clichés genrés. Ce mouvement, porté par des consommateurs lassés des rayons cloisonnés, invite à revoir la façon dont on habille les enfants.

Les créateurs rivalisent d’audace. Jaune, vert, blanc prennent place aux côtés du rose et du bleu. Les vêtements se libèrent des étiquettes, offrant aux enfants un terrain d’expression plus vaste. Cette évolution n’est pas qu’une question de style : elle vise aussi à corriger certaines inégalités, comme la fameuse taxe rose, qui fait grimper le prix de certains produits destinés aux filles et nourrit le débat sur l’équité.

Pour agir, voici quelques pistes concrètes à envisager :

  • Privilégier des vêtements qui ne restreignent pas les usages selon le genre.
  • Sensibiliser les distributeurs à la diversité des besoins et des envies des enfants.
  • Encourager les fabricants à adapter leur offre, des matières jusqu’à la présentation en magasin.

En France, le changement s’amorce doucement mais sûrement. Les enseignes qui adoptent cette approche participent à redéfinir les habitudes, soutenant dès l’enfance une dynamique d’égalité. La mode, discrète mais influente, agit sur l’imaginaire collectif et contribue à ouvrir de nouveaux possibles. L’avenir appartient à celles et ceux qui sauront regarder au-delà des couleurs imposées, pour laisser émerger la véritable palette des identités enfantines.